Hadj Khelil, vous étiez en partance pour le Sommet de la Terre au Brésil. Maintenant que vous êtes de nouveau parmi nous, racontez-nous RIO+20…
J’étais excité à l’idée de partir et de participer à ce grand rendez-vous. Comme on s’était planté quelques années avant à Copenhague, il n’était pas question que l’on reproduise les mêmes erreurs cette fois-ci. J’avais la ferme conviction qu’il était impossible de passer à côté de ce Sommet mondial.
Pour moi, Rio+20 ça a été bouleversant : j’ai passé du temps avec Edgar Morin, j’ai rencontré le chef indien Raoni, j’ai pu échanger avec des chefs d’Etats, j’étais au milieu de discussions parmi des gens passionnants.
Mais pour le monde ça a été une perte de temps colossale. On attendait la mise en place de règles coercitives, d’obligations, et de gens qui tapent sur la table. Malheureusement beaucoup de chefs d’Etat étaient absents. Finalement, on se rend compte que les grands Etats n’ont pas intérêt à ce que ça s’arrange. Pourquoi ? Parce que ce sont eux qui vendent les infrastructures et les mécaniques de nettoyage des pollutions. En conséquence, quand on salit la Terre, ça les arrange car ils s’enrichissent. Même quand la nature s’en prend à eux, ils ont des solutions : si la mer monte, ils mettent en place des technologies pour monter des digues qui les protègeront, eux. Au final, on est ressorti triste car politiquement, aucune décision n’a été prise.
Le point positif qui va nous permettre de trouver une solution sur le moyen terme, c’est qu’il y a eu une rencontre humaine. Je me suis rendu compte de l’utilité, de la fécondité, et de l’énergie des gens qui sont dans le même domaine que moi. Ce sont eux qui sauveront le monde.
Pour les politiques, la responsabilité sociale et environnementale sont des contraintes qui coutent de l’argent. Or, en réalité, ça crée de nouvelles opportunités ; ça ouvre des possibilités de croissance. De plus en plus d’entrepreneurs construisent des modèles alternatifs et élaborent des solutions. Maintenant, c’est aux politiques d’agréger tout ça, et de mettre des cadres qui vont permettre que ces exemples entrepreneurials deviennent des normes… c’est à ce stade que ça bloque aujourd’hui.
Qu’en est-il de Bionoor et de ses innovations ? J’ai entendu dire que vous lanciez une innovation mondiale : la viande bio halal.
Oui, et je vais vous raconter l’histoire. Bionoor a des clients au Moyen-Orient ; on travaille avec eux sur des produits qui font notre identité, à savoir les produits bio. Ces clients étaient très intéressés par l’excellence de la viande française, à savoir celle des races charolaise et limousine. Ils nous ont donc demandé de résoudre l’équation qui consiste à leur fournir des produits certifiés « Agriculture Biologique », tout en étant consommables par les musulmans (certification halal). Satisfaire cette demande n’a pas été une chose facile. Bionoor a été confronté à une difficulté qui nous empêchait d’y parvenir : l’interprétation d’un règlement européen. Nous avons donc œuvré pour que cette dernière puisse ouvrir une nouvelle voie, et nous y sommes parvenus. La viande halal bio est donc devenue une exclusivité mondiale proposée par Bionoor.
Initialement, ce produit a été développé pour le Moyen-Orient, notamment pour des clients Koweitiens, mais on s’est rendu compte que la profondeur de marché était énorme en France. Il faut savoir que le marché du halal c’est 6 milliards d’euros en France. Le marché du bio c’est 2,6 milliards.
Mais existe t-il une réelle demande d’une telle viande ?
Même si la part de marché est petite, sur 6 milliards d’euros, moi ça me va. D’autre part, il est évident que les préoccupations relatives à l’environnement, à l’éthique, et au bien-être animal, sont des choses qui grandissent dans toutes les communautés humaines et dans toutes les strates sociales.
Le halal est un marché d’entrée de gamme où les marges sont faibles. On sera 20% plus cher que le panier moyen halal, mais 10% moins cher que les prix classiques constatés dans le bio. A noter que la viande halal bio de Bionoor sera disponible à partir du 1er octobre prochain en France.
Mais pour votre produit, vous allez créer une filière d’élevage bio ?
Pour démarrer, voici notre stratégie : nous allons partir de la filière bio qui existe déjà en France, et nous allons la développer. Néanmoins, si les demandes sont supérieures, alors oui, on va étudier d’autres solutions.
Une entreprise peut-elle se convertir au bio, quant bien même ce n’est pas son cœur de business ?
Tout à fait. Il y a beaucoup de gens qui font l’erreur de croire qu’un produit est bio parce qu’il est naturel. En fait, le règlement bio se résume en trois points fondamentaux : la production naturelle sans pesticides ou engrais chimiques, un protocole de traçabilité (connaître le parcours du produit), et un fourre-tout juridique listant tous les usages impératifs à respecter. Le AB ce n’est pas que pour les agriculteurs. On peut être boulanger AB, épicier AB, industriel AB, y compris dans le non-alimentaire.
Excellent, Bonne Continuation, Merci